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Qu'y a-t-il dans un nom ?

Dernière mise à jour : 11 oct. 2020

Sydney-Angelle Dupléchin Boudreaux | Cécilia, Louisiane


L’année dernière, en Bretagne, un couple de la région qui voulait absolument nommer son fils « Fañch » a reçu un courrier du gouvernement local : c’était impossible de le nommer Fañch, car le tilde (~)—une diacritique rarement utilisée en français—est pas autorisé. Asteur, le petit garçon s’appelle simplement « Fanch ».

La décision a provoqué une polémique. Tandis qu’il y a certainement des gens qui la considèrent comme étant une critique inutile de l’orthographe, d’autres la voient comme manifestation de l’animosité du gouvernement français envers la langue et la culture bretonnes.

Depuis des décennies, la France n’a que du mépris pour toutes les langues de France à part le français. Le breton est aussi victime de ce mépris ; interdite dans les écoles et ridiculisée comme antipatriotique, cette langue régionale compte asteur moins de 200.000 locuteurs. Parler breton et donner aux enfants des noms traditionnels—comme Fañch—c’est un signe de la culture et de l’identité. Le rejet ce nom par l’État, c’est de rejeter toute la langue et la culture qui vont avec.

Dans la Louisiane, on connaît bien ce genre de conflit. On connaît ce que ça fait équand notre langue est interdite dans les écoles, ignorée en faveur de l’anglais, et minimisée comme « pas assez américaine » ou même comme symbole de la stupidité.

Mais après la nouvelle constitution de 1974 (qui est mieux adaptée pour les francophones), l’institution des programmes d’immersion et l’accession de la Louisiane à l’Organisation internationale de la francophonie (l’OIF), beaucoup de gens (y compris moi) s’attendaient à la renaissance de la langue et de la culture franco-louisianaises en Louisiane.

Ça fait, c’était une surprise qu’à la naissance de mon fils Rémi, j’ai vécu la même déception que celle vécue par le couple en Bretagne.

« Je peux le mettre sur le certificat de l’hôpital, mais il n’aura pas d’accent sur le baptistaire officiel donné par l’État », m’a dit en anglais la garde-malade en charge des papiers.

Et bien, équand son baptistaire est arrivé six semaines plus tard, c’était là : Remi, sans accent. La garde-malade n’a pas eu tort. Pour savoir si mon expérience était hors norme, j’ai appelé certains de mes amis qui écrivent les noms de leurs enfants avec des accents.

Mais, non, j’étais pas seule.

Ces autres parents déçus m’ont dit, « On l’écrit nous-mêmes avec l’accent, mais c’est pas là sur le baptistaire. » 

En poursuivant l’affaire avec des secrétaires municipaux du village, j’ai reçu des questions comme, “What’s an accent?”

Enfin, j’ai appelé le Bureau des Statistiques de l’État à Bâton Rouge et là ils ont confirmé ce que je connaissais déjà.


Tandis que cela semble être plus une question du logiciele obsolète qu’une loi particulière, le résultat est pareil : les accents sont pas autorisés dans les noms légaux dans la Louisiane.

Alors, qu’est-ce qui empêche le gouvernement de la Louisiane de mettre à jour la technologie à logiciel qui reconnaît les accents? Même les gens du Bureau connaissaient pas.

« La Sécurité Sociale n’a pas d’accents, donc les accents causeraient sans doute des problèmes », m’a dit un membre du personnel.

Comment ça se fait que les autres États—y compris l’Alaska, Hawaï et le Kansas—peuvent résoudre cette affaire, moi, je connais pas. Mais, à mon avis, on doit leur demander de trouver une solution.

La substitution d’une apostrophe (’) à l’accent aigu (é) est pas un compromis acceptable. Il y a des Louisianais qui—en suivant la politique—se contentent d’une apostrophe … mais ça c’est une faute d’orthographe qui fait croire aux autres francophones qu’on est pas vraiment francophones et qu’on est analphabètes. Cela affaiblit notre lien avec la francophonie. De plus, une apostrophe a pas de signification phonétique, ni en français ni en anglais. Cela nous aide pas à le prononcer et ne prétend pas arranger le problème de la cédille (Melançon, Françoise) et de l’accent grave (Homère).

Le nom de mon fils est pas Re’mi et ce serait inutile de l’écrire ainsi. Avec une telle orthographe, je me donnerais l’air analphabète.

Équand nos noms sont écrits correctement en notre propre langue—ils font partie intégrante de notre culture. Pourtant, ils ont en effet interdits. Dans un État où notre langue a « un statut spécial », c’est dommage de voir l’anglicisation des noms français.

Les franco-louisianais d’aujourd’hui corrigent vite tous les Américains qui prononcent leur nom de famille de manière anglaise. Il faut qu’on corrige aussi vite cette anglicisation obligatoire de nos noms! Parce que si mon fils n’a même pas le droit d’écrire son nom . . . ayoù en sommes-nous vraiment dans cette bataille de préserver notre langue?

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