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Officialisation du français : la solution ? (I)

Justin Robichaud | Acadie


Dernièrement, j’ai vu au passage le début d’un message d’un Franco-Louisianais sur Facebook qui mentionnait une éventuelle* officialisation de la langue française en Louisiane. Cette publication m’a fait jongler* dernièrement si les Louisianais songeaient à ce que pourrait entraîner cette possibilité. Étant donné que j’habite au Canada et que j’ai étudié et travaillé dans le domaine langagier, je sens que je peux donner certaines perspectives et mises en gardes aux Louisianais pour qu’ils puissent mieux se préparer et esquiver certains écueils.


Tout d’abord, comme le faisait remarquer l’auteur de la publication, l’officialisation du français entraînerait presque automatiquement l’officialisation de l’anglais dans l’état, car c’est bien entendu la langue majoritaire. (Même dans le cas contraire, la plupart des problèmes cités ci-dessous pourraient survenir dans le cas où seul le français serait officialisé dans un état à majorité anglophone.)


Ensuite, il faut définir le bilinguisme. Si dans certains cas, on entend par bilinguisme une population ayant la capacité de parler deux langues, dans d’autres cas (comme celui du bilinguisme officiel au Canada), on veut plutôt désigner une administration offrant à ses citoyens ses services et ses produits dans les deux langues officielles, de sorte que les citoyens puissent interagir avec lui dans la langue de leur choix. En effet, le bilinguisme n’est point une obligation pour les citoyens canadiens. Comme le dernier recensement (de 2016) le démontre bien, les bilingues ne représentent que 17,9 % de la population. Pour la plupart, ces personnes bilingues ont le français comme langue maternelle (et les francophones ne représentent que 21,4 % de la population canadienne). Le fardeau du bilinguisme pèse donc inégalement sur le peuple.


Les hostilités historiques entre Français* et Anglais* se sont apaisées, mais les tensions existent toujours et le dialogue est difficile ou inexistant, comme en témoigne l’expression « les deux solitudes ». (Il importe cependant de préciser que cette expression s’applique moins aux régions où l’une des deux langues est minoritaire. Dans ces situations-là, on parle plutôt d’assimilation, donc de « dialogue » à sens unique.)


Et l’école dans tout ça? Je ne connais pas bien la situation, surtout que chaque province est différente (l’éducation est une compétence provinciale uniquement : au Nouveau-Brunswick, je pense qu’il y a une certaine indépendance entre le système anglais et le système français; qu’en Nouvelle-Écosse, le Conseil scolaire acadien provincial a une certaine autonomie; qu’en Ontario, il y a quatre systèmes, selon la langue et selon qu’ils sont publics ou catholiques, etc.), mais j’ai l’impression que des cours dans la deuxième langue officielle ou des programmes d’immersion en français sont offerts à la plupart des écoles du pays. L’âge d’introduction et le nombre d’années d’études varient certainement beaucoup.


Mais bien que les générations plus jeunes soient plus bilingues que celle de leurs parents, le taux de bilinguisme est toujours très bas au Canada anglais. Toutes langues maternelles confondues, on parle d’une augmentation du taux de bilinguisme d’environ 6 % au cours des soixante dernières d’années (selon la première page référée plus haut). Une population bilingue, c’est donc un projet de très longue haleine. Il n’y a pas de quoi être surpris : même après quelques années de cours de français et des emballages bilingues, les Anglais ont très peu de contact avec la langue française dans leur vie quotidienne en dehors de ces cours (c’est-à-dire, à la maison, avec les amis, en ville, etc.) et lui voient donc très peu d’utilité pratique. Pour les Français, c’est différent en raison de la présence et l’influence prépondérantes de l’anglais sur le continent et dans les médias. S’ils veulent élargir leurs horizons à l’échelle nationale ou internationale, l’anglais leur est un outil essentiel.


La deuxième partie de l’article sera publiée bientôt.


* Lexique

Mots communs à l’Acadie et à la Louisiane

jongler = réfléchir

Français = personne dont la langue maternelle est le français

Anglais = personne dont la langue maternelle est l’anglais


Faux-amis

Éventuel = qui peut arriver ou non

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