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Arrête de m'appeler "cadien." On est plus que ça.

Dernière mise à jour : 15 févr. 2019



Bennett Boyd Anderson III | La Nouvelle-Orléans, Louisiane


Je vas commencer par ceci, juste pour éliminer tout doute : Je suis moi-même cadien, et très fier de l'être. Même plus, j’suis créole. Tous les Cadiens, en fait, sont aussi des Créoles*. J’ai des ancêtres acadiens, déplacés pendant le Grand Dérangement, avec des noms de famille comme Broussard, LeBlanc, Hébert, Mouton et Naquin. Je descends aussi de personnes qui sont venus directement de France ou du Canada, e.g. les familles d’Erneville, Cantrell, Guillory, Bordelon, Bienvenu et Verret. Donc je ne suis pas partiel vers un côté ou l'autre.


Pourquoi j'écris cet article ? Il faut clarifier que je n’ai aucun problème avec le mot “cadien.” Mais il existe une tendance inappropriée du monde non-louisianais d’écrire des articles sur “le résurgence du parler cadien” ou de tels sujets. Il existe deux problèmes avec cette classification : le premier, c'est que personne ne parle “cadien.” Le cadien n’est pas une langue. On parle français. Rien de moins. Si on voudrait être plus précis, on pourrait certainement étiqueter notre dialecte comme “le français louisianais,” et il existe du monde qui vont vous dire qu'ils parlent le "français cadien," mais c’est du français avant tout.


Le deuxième problème, c’est que le mot “cadien” n’est pas synonyme de “francophone louisianais.” En fait, la population la plus francophone en Louisiane n’est ni les Cadiens ni les Créoles, mais la nation Houma, un tribu amérindien situé dans les paroisses Lafourche et Terrebonne. En moyenne, à peu près 40 % des Houmas aujourd'hui parlent français. Dire que la population francophone est "cadienne," c'est d'exclure le peuple le plus francophone de l'état. Ce problème est compliqué par le fait qu'il existe une fausse distinction entre les Cadiens et les Créoles. Si on se tourne vers les anciens journaux louisianais, on voit que nos ancêtres ne faisaient pas vraiment cette distinction entre les deux groupes. Regardez, s’il vous plaît, des exemples ci-dessous qui datent du XIXe siècle des mots (en anglais) “Acadian Creole”—une identité qui serait considérée aujourd'hui comme paradoxale. Le premier extrait vient du New Orleans Weekly Times ; le deuxième du Clarion.



Cela signifie qu'au moins certains descendants des Acadiens se voyaient comme des Créoles, et que les autres Louisianais les voyaient comme tel également. (NB : Je ne dis pas qu’il n’y avait aucune distinction entre les descendants des Acadiens et les Créoles non-acadiens—par exemple, Kate Chopin, écrivaine creole louisianaise, semble séparer les deux dans son livre The Awakening [publié en 1899]—mais il me semble que sa distinction soit plus nuancée que celle de nos jours).


Répondante âgée d'Edgar, Paroisse Saint-Jean-Baptiste, années 1980: “Ils s’appelaient des Cadjins mais c’est tous des Créoles.”

Bien sûr, un tas de monde aujourd'hui s’identifient comme "cadiens," et quand ils le font, je le trouve absolument permissible de les décrire comme tels dans les articles ou les documentaires. Mais trop souvent, je trouve qu'on applique cette étiquette à tout francophone louisianais—y compris à ce qui ne s'identifient pas ainsi—et ça vient plutôt d'un manque d'attention ou de nuance de l'histoire et l'évolution des francophones de la Louisiane. C'est aussi un phénomène assez récent. Le mot “cadien” est très chic asteur, mais cela n’était pas toujours le cas. Il y en avait beaucoup avant les années 1980 qui préféraient simplement s’identifier comme “français.” (Cela n'est pas à dire qu'ils se considéraient comme des citoyens ou des sujets de la République Française, mais plutôt qu'ils descendaient de locuteurs du français et qu'ils faisaient partie d'une ethnie non-américaine—c'est-à-dire non-anglophone.)


Répondante âgée du Pont-Breaux, Paroisse Saint-Martin, années 1980: “On s’appelait des Créoles avant cette affaire de Cadjin.”

Dans la communauté franco-louisianaise, il existe un débat sur le rôle futur de ces étiquettes ethniques. Certains disent que la survivance de notre langue est étroitement liée à nos identités ancestrales ; d’autres disent que ces étiquettes sont exclusives à des Franco-Louisianais nouvellement arrivés, qui ne sont pas des Créoles—d'origines acadiennes ou autres. Ces personnes croient que les termes “Louisianais” ou “Franco-Louisianais” sont préférables et plus simples parce que ces termes n'ont pas d'origine ethnique, et leur association à l'époque coloniale est fortement réduite.


Personnellement, j’aime beaucoup mon identité créole parce que c’est plus spécifique que les autres étiquettes possibles. Tous les Créoles sont louisianais, mais tous les Louisianais ne sont pas des Créoles. Et la plupart des jeunes (et des vieux) asteur qui apprennent le français s’intéressent à sa préservation parce qu’ils y voient leur héritage, une histoire quasi-personnelle de leurs familles et de leurs ancêtres. Perdre ces étiquettes et on perd une partie importante de ce que beaucoup considèrent comme notre patrimoine culturel immatériel. À l'autre côté, garder les étiquettes et on perpétue un système qui ne laisse aucune place aux nouveaux arrivants francophones. Alors quoi faire ? C'est une question sans réponse definitive.


Comme beaucoup de monde d'origine franco-louisianaise, je suis cadien ET je suis aussi créole. J’suis un Créole acadien et français, si vous le préférez, et un Franco-Louisianais très fier. Personnellement je ne me soucie pas de quoi on m'appelle tant qu'ils comprennent l'évolution et l'histoire de notre communauté. Mais il faut reconnaître qu'il y en a beaucoup en Louisiane qui sont ni cadiens ni créoles. Alors qu'est-ce qui nous unit ? On est louisianais. On parle français. Ceux qui sont cadiens sont très fiers de l'être, mais—s’il vous plaît—ne nous étiquetez pas tous comme “cadiens.” On est plus divers que ça. *L'appellation "créole" s'applique à toute personne de culture latine née et acculturée dans le nouveau monde à partir de la période coloniale. Un Parisien installé en Louisiane serait toujours français, par exemple, mais son enfant serait créole de la Louisiane d'origine française ; un esclave sénégalais serait toujours wolof, mandingue, foube ou bambara, mais son enfant serait aussi créole. Il y avait de nombreuse variétés de Créole, comme les gens de couleur libres—Créoles de couleur—ou les Créoles allemands qui ont fondé la ville de Des Allemands. Par conséquent, les enfants et descendants des réfugiés acadiens pourraient être considérés comme (et s'identifiaient comme) des Créoles d'origine acadienne.


Citations :


Trépanier, Cécyle. "The Cajunization of South Louisiana: Forging a Regional Identity." The Geographical Journal, Vol 157, No.2 (July 1991), pp 161-171.

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