Bennett Boyd Anderson III | Broussard, Louisiane
Note des éditeurs : Cet article a été écrit avant le 14 juillet, mais malheureusement sa publication a été retardée par l'arrivée de l'ouragon Barry. Nous espérons donc que vous pardonnerez toute confusion chronologique.
Nous venons d’observer la fête nationale du Québec et la fête de l’Indépendance des États-Unis. On va bientôt célébrer le 14 juillet, la fête nationale de nos cousins en France. Et cela me fait me poser la question :
Pourquoi est-ce que les Franco-Louisianais n’ont pas de fête nationale ?
La Louisiane francophone n’est pas un pays, bien sûr, ou même une région officiellement distincte. C’est une communauté—bien qu’avec des limites géographiques—unie par des idéaux, une langue et un patrimoine culturel commun. Dans cet esprit, peut-être qu’il faut d’abord définir ce qu'est une nation. Selon le Dictionnaire de la langue française, une nation c'est « un ensemble de personnes vivant sur un territoire commun, conscient de son unité (historique, culturelle, etc.) et constituant une entité politique ». (J’suis pas sûr que je sois complètement d’accord avec cette définition parce qu’elle suppose que le peuple en question possède les droits et les ressources pour exercer une autorité politique, mais oké, ça marche. Et on ne peut nier que l’absence d’une entité politique franco-louisianaise est en partie à cause de notre propre léthargie plutôt que de l’oppression du gouvernement américain.) Mais en gros nous remplissons les critères nécessaires pour être considéré une nation, et il existe donc un besoin pour une fête nationale.
Certains Louisianais célèbrent déjà le 14 juillet, surtout à la Nouvelle-Orléans. Pourquoi pas adopter le 14 juillet comme une célébration générale de toute chose francophone ? La réponse est simple : en Louisiane, le 14 juillet n’a pas la même signification qu’en France, et il y a toujours eu une certaine ambivalence à l’égard de cette fête-là. (Avez-vous jamais remarqué que la fleur-de-lys est beaucoup plus populaire en Louisiane qu’en France ?) Aujourd’hui, c’est les francophiles de la Ville et les expats français-de-France qui fêtent le 14 juillet avec un vrai brio. Par contre, il est complètement ignoré par la majorité des Créoles ruraux. Bref, la célébration du 14 juillet est plus ou moins une importation plus signifiante aux Français-de-France qu’aux Franco-Louisianais. Par conséquent, cette fête, bien que la bienvenue ici, ne peut pas nous servir la même fonction que pour nos cousins de l’autre côté de la mer. Non, pour fomenter une identité franco-louisianaise il faut vraiment établir une fête unique.
Un autre problème c’est que nous avons une histoire dans laquelle les dates les plus mémorables sont celles où on a subi une grosse tragédie. La vente de la Louisiane représente le début de la fin de la culture franco-louisianaise (même si, ironiquement, c’est pendant la période américaine qu’on a atteinte l'apogée de notre culture francophone—mais cela n’est pas grâce aux Américains mais plutôt aux réfugiés de Saint-Domingue qui ont quitté cette colonie-là après la Révolution haïtienne). Dans le même esprit, les premières dates de la colonie française en Louisiane sont marquées par la maladie et le conflit. Et qui veut se souvenir des horreurs du Grand Dérangement* ?
Néanmoins, il existe quelques possibilités. Le Meschacébé a été découvert par l’explorateur espagnol Hernando de Soto le 8 mai 1541, et cela est la date la plus ancienne de l’engagement européen dans la région que les écoliers apprennent. On pourrait également fêter la réclamation de la région du Sieur de La Salle pour la France (le 9 avril 1682), par exemple, ou l’établissement de la première colonie française dans le territoire de la Louisiane par le Sieur de Bienville (le 1 mai 1699, au fort Maurepas). Mais cela pose aussi des problèmes. Ce que nous les Français* considérons un événement à célébrer peut être considéré par d’autres, notamment par les Amérindiens, comme une invasion. Cela rendrait ces dates inacceptables, à mon avis, car une telle fête doit être une célébration de l’unité et non de la division. De l’autre côté, il est impossible de plaire tout le monde, surtout lors de l’évaluation d’événements historiques.
Quoi d’autre ? Il y a le 9 mars, la « Journée des trois drapeaux », la date de la passation du pouvoir de l’Espagne à la France et puis de la France aux États-Unis. Cela souligne que la Louisiane est composée de différentes influences culturelles. (Nous ne sommes pas un melting pot mais plutôt un gombo.) Mais les Créoles de cette époque, les ancêtres de la majorité de la population francophone actuelle, ont considéré ce jour comme un événement triste. Peut-on le renommer comme une célébration de notre multiculturalisme, de notre créolité ? Peut-être, mais cela me semble une célébration de la vente de la Louisiane, les problèmes avec laquelle j’ai déjà présenté.
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*En tout cas, les Créoles d’origine acadienne—c-à-d les Cadiens—ne sont pas les seuls francophones de l’État, et on ne devrait pas choisir une fête qui les glorifie au détriment des autres groupes francophones de la Louisiane.
**En Louisiane, les mots « Français » et « francophones » peuvent être utilisés comme des synonymes. Cependant, dans ce cas spécifique je choisis le mot « Français » spécifiquement parce que je veux faire référence à la population descendue des colons français. Je ne peux pas dire « francophone » car en Louisiane, les Amérindiens sont souvent francophones et sont donc aussi des Franco-Louisianais. En fait, la population la plus francophone de la Louisiane n’est pas les Créoles, mais les Houmas.
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